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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.000 articles.

Corinne Luchaire. Un colibri perdu dans la tempête...

Corinne n'était pas un oiseau de proie, comme Arletty, mais un colibri perdu dans la tempête.
Jean-François Josselin.
Simone.

Ni compatissante, ni moralisante, ni juge, ni indifférente, telle se révèle Carole Wrona, l'auteur de "Corinne Luchaire, un colibri dans la tempête" qui vient de paraître aux éditions de La Tour verte.

Corinne qui ? Luchaire, prénom Rosita, prénom d'artiste Corinne, 1921-1950, fille de Jean Luchaire collabo notoire fusillé à la Libération, actrice dans dix films au total pas un de plus, pas un de moins, morte de la tuberculose après après avoir été frappée d'indignité nationale.

A quoi ça tient un destin quand on s'éveille au cinéma en 1935...A quoi ça tient quand on a pour père un plumitif de gauche qui copine bien avant la guerre avec Otto Abetz... A quoi ça tient quand on met au dessus de tout la fête, les belles robes et l'insouciance absolue ? On devient aisément un "colibri dans la tempête" (l'expression est de Jean-François Josselin, l'ami de Simone Signoret elle même amie de Corinne Luchaire qui sut la cacher quand elle s'appelait encore Simone Kaminka, un nom dangereux dans ces années 40... Rien n'est jamais simple hélas...).

Oui, un petit oiseau, aussi charmant qu'insupportable et singulièrement quand on le replace dans sa cage dorée de l'époque. C'est ce balancement-là, si difficile à rendre, que Carole Wrona dans son admirable biographie de l'actrice déchue, parvient à maintenir de la première à la dernière ligne.

Pas facile de rendre à ce point tangible l'équivoque et la désinvolture. Corinne était assurément un charmant petit monstre quand elle quittait les plateaux de tournage pour aller faire tourner les têtes allemandes nazies et les têtes françaises collabos.

Mais, en dix films (et pas un seul chef d'œuvre), elle aura pourtant marqué les mémoires cinéphiles. Son absence-présence à l'écran même dans ces films "moyens" (au mieux...) la rend définitivement moderne. On ne sait pas ce que les cinéastes d'après-guerre auraient compris et fait de ce visage au charme ténébreux. Auraient-ils été à sa hauteur ? Et elle, aurait-elle renoncé à l'artifice, une fois au moins ?

On ne refait pas l'Histoire surtout quand on a été dévoré par elle, alors qu'on pensait la faire à son image zazou et qu'elle était a contrario sanglante et tragique... Reste que, comme le rappelle justement Carole Wrona, Godard n'a pas hésité dans l'un des volets de son Histoire(s) du cinéma à faire figurer le visage de Corinne Luchaire, la tirant de l'oubli pour insister sur sa modernité.

Que l'on connaisse ou non Corinne Luchaire, il faut donc lire ce livre qui va à l'essentiel, qui ne se détourne jamais de son objet et fait revivre à la perfection les soubresauts et les hoquets d'une époque où le swing de Trénet et le sourire d'Arletty ne sauraient masquer les rafles du petit matin et les étoiles d'infâmie. Pour avoir passé l'Occupation à danser sur un volcan sans jamais en voir la moindre étincelle, Corinne Luchaire fait intimement partie du paysage français. Quand Moulin agonisait, Luchaire père collaborait ouvertement et Luchaire-fille s'amusait follement sous les croix gammées. C'est ce que nous raconte Carole Wrona sans jamais hausser le ton car le destin du colibri se suffit à lui-même à force d'aveuglement terrifiant de banalité.

Carrière

Elle est la fille de Jean Luchaire (1901-1946), journaliste célèbre fusillé à la Libération pour faits de collaboration, et de Françoise-Germaine Besnard. Elle est la petite-fille de l'historien et écrivain Julien Luchaire (1876-1962). Une de ses sœurs est l'actrice Florence Luchaire (1926-1982). Elle a pour frère le décorateur Robert Luchaire. Corinne Luchaire abandonne l'école dès la classe de troisième pour suivre les cours d'art dramatique de Raymond Rouleau. Son grand-père écrit pour elle la pièce de théâtre Altitude 3200. Cela lui vaut d'être engagée pour le rôle principal du film Prison sans barreaux, qui la révèle au grand public en 1938. À seize ans, elle devient alors l'une des vedettes les plus prometteuses du cinéma français. En deux ans, elle tourne six films, dont le plus connu est Le Dernier Tournant. Mais, sa carrière au cinéma est rapidement interrompue par ses soucis de santé : souffrant de tuberculose, elle doit chaque année séjourner plusieurs mois en sanatorium à partir de 1941, d'abord au plateau d'Assy, puis, à Megève.

Sous l'Occupation, elle profite de la position et des relations de son père pour mener, durant ses séjours à Paris, une vie mondaine et insouciante. Elle se marie, le 27 décembre 1941 à Megève, avec Guy de Voisins-Lavernière, qu'elle quitte un mois après. Elle aurait fait une tentative de suicide à la fin d'une prétendue liaison avec le champion de ski Émile Allais. Elle a ensuite une relation avec un officier allemand, le capitaine de la Luftwaffe Wolrad Gerlach du Schnellkampfgeschwader 10, avec lequel elle a une fille Brigitte, née le 10 mai 1944, déclarée sous le nom de Luchaire. Après une nouvelle tentative de suicide, elle devient secrétaire de son père. Quelques jours avant la libération de Paris (août 1944), elle suit sa famille à Sigmaringen où se réfugient les principaux collaborationnistes, dont Marcel Déat et Fernand de Brinon, autour du maréchal Pétain, puis, vers l'Italie où ils sont arrêtés à Merano. 

Elle est transférée avec lui à Fresnes et sera libérée quelques jours après l'exécution de Pierre Laval, tout comme sa sœur. En 1946, bien que n'ayant eu aucune activité politique (elle avait de nombreux amis juifs, notamment Simone Signoret avec qui elle était allée en classe, et des amis résistants), elle est condamnée à dix ans d'indignité nationale. Quant à Jean Luchaire, il comparaîtra devant la Haute Cour de justice pour intelligence avec l'ennemi (article 75 du Code pénal) en janvier 1946, et sera fusillé le 22 février au fort de Châtillon. Avant sa mort prématurée due à la tuberculose en 1950, elle a publié un ouvrage autobiographique (Ma drôle de vie, 1949) qui constitue un document intéressant sur sa situation de fille d'une personnalité influente de la collaboration. 

 

Filmographie

Théâtre

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