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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

4 octobre 1883. Le premier voyage de L'Orient-Express...

En soixante-seize heures, au lieu de cent-onze comme autrefois, nous avions accompli le trajet de Constantinople à Paris, et cela sans la plus légère fatigue, dans des conditions de confortable absolu.
Georges Boyer, Le Figaro.

Dans le train bleu à liseré doré qui s'ébranle à 19 h 30 de la gare de Strasbourg (Paris), ils ne sont que vingt-quatre ce 4 octobre 1883. Des messieurs en redingote et haut-de-forme, à qui l'organisateur du voyage, un Belge nommé Nagelmackers, a demandé une chose : se munir d'un pistolet ! On ne sait jamais ce qui peut arriver lors de ce trajet de 3 000 km qui doit rejoindre les portes de l'empire Ottoman par les Balkans et les Carpathes. La prouesse technologique que le train L'Orient-Express doit accomplir en reliant pour la première fois deux continents vaut bien quelques frayeurs.

 

 

Parmi les happy few convoqués par le patron de la Compagnie des wagons-lits, figurent deux journalistes, qui auront la « primeur » de l'événement, dont Georges Boyer, du « Figaro ». Une fois rentré au bercail, ce dernier restituera son périple, intitulé « L'Orient à toute vapeur », dans l'édition du 20 octobre : « Jusqu'à présent, quand on avait une douzaine de jours de liberté et le goût des excursions, on partait pour la forêt de Fontainebleau ou pour quelque port de la Manche. Aujourd'hui, on va à Constantinople, comme je viens de le faire. »

 

Une « révolution dans l'art de voyager »

Après avoir laissé la France de Sadi Carnot, l'attelage traverse l'Allemagne de Bismarck et pénètre dans l'empire austro-hongrois de l'empereur François-Joseph et de sa femme, Sissi. Le soir, la Mittel­europa défile sous le halo des lampes à huile du wagon-restaurant. Puis au petit matin, elle glisse lentement derrière les vitres embuées.

Dans leur écrin luxueux, les passagers ont la belle vie. Le chef accorde les menus aux contrées traversées. Boyer qualifie le chef « d'homme de génie ». Le « très jeune et très sympathique » Nagelmackers est également loué par le journaliste, surtout après qu'il a fait monter dans le train un orchestre tzigane. Le Tintin du train remarque qu'en Hongrie, « c'est le commencement des bottes, tout le monde en porte ». S'étonne que le Danube bleu soit en fait « parfaitement jaune ». Et sursaute au « bruit étrange » qu'une garnison bulgare émet en se « mouchant dans les doigts » au diapason.

En moins de quatre jours, après être descendue du train deux fois pour prendre le bateau (la ligne ferroviaire ne sera complète qu'en 1889), la troupe arrive en gare de « Stamboul », cette ville aux 300 mosquées « avec leurs minarets qui semblent d'énormes cierges », relate l'envoyé spécial. Après un voyage retour sans encombre, la carrière de l'Orient-Express est lancée. Le « Times » salue « une révolution dans l'art de voyager », tandis que l'académicien Edmont About, 55 ans, semble avoir rajeuni après 13 jours sur les rails : « J'en suis revenu sans fatigue, prêt à repartir demain si l'on veut. »

 

« Le train des rois et roi des trains », disait-on dans l'entre-deux-guerres, quand l'Orient-Express filait à toute vapeur pour relier les rives de la Seine à celles du Bosphore. D'autres lignes avaient même ouvert : une voie sud, en 1919, le Simplon-Orient-Express, qui allait de Calais à Venise. Puis le Taurus-Express en 1930, jusqu'au Caire ou Bagdad. Mais ces trains à grande vitesse ont été vaincus par la guerre, le rideau de fer et l'avion.

Le 20 mai 1977, le dernier Orient-Express quitte la gare de Lyon.

 

 

La littérature et le cinéma ont également participé au mythe de l'Orient-Express. Le roman du journaliste et grand reporter Maurice Dekobra  La Madone des Sleepings (Baudinière, 1925), vendu à 300 000 exemplaires après sa parution est un des premiers textes à situer un récit dans l'Orient-Express. Suivra en 1934 l'intrigue la plus célèbre liée à ce train, Le crime de l’Orient-Express d'Agatha Christie. A l'instar de Joseph Kessel et son Wagon-lit  (Gallimard, 1932), de nombreux écrivains à l'oeuvre aventurière et journalistique comme Paul Morand sont également séduits par les trains de luxe de la Compagnie Internationale des Wagons-lits. Notamment parce qu'à l'époque de son lancement, l'Orient-Express permet de traverser les différents Etats européens sans que les passagers aient à obtenir des autorisations à chaque frontière. Pour ce faire, la Compagnie Internationale des Wagons-lits crée la fonction de conducteur. Il s'agit non pas de l'employé qui conduit le train, mais de celui qui conduit les passagers à leurs cabines, subvient à leurs besoins lors du voyage et récupère leurs passeports pour les montrer aux douanes des différents pays traversés. Un poste emblématique de la qualité du service rendu aux voyageurs, qui a fait le succès de l'Orient-Express depuis ses débuts. 

 

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