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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

Jacques Pessis et Jean-Claude Bouillon-Baker. Les deux biographies à lire sur Joséphine Baker...

 

"J'étais l'idole sauvage dont Paris avait besoin. Après quatre années de violence, j'ai symbolisé la liberté retrouvée, la découverte de l'art nègre, du jazz. J'ai représenté la liberté de me couper les cheveux, de me promener nue, d'envoyer tous les carcans au diable, y compris le corset." On ne retient souvent de celle qu'on surnomma la "Vénus d'Ébène" que son apparition fracassante au Théâtre des Champs-Élysées, dans la Revue Nègre, en octobre 1925. Tout le monde connaît sa fameuse ceinture de bananes et sa chanson fétiche J'ai deux amours. Mais il est une autre Joséphine Baker (1906-1975), égérie des cubistes, exportatrice du jazz et des musiques noires, qui se mobilise pour la Croix-Rouge, s'engage dans les services de renseignements des Forces Françaises Libres, milite contre le racisme, adopte douze enfants de toutes origines afin de donner l'exemple de la fraternité universelle. C'est à la rencontre de cette Joséphine, "engagée chaleureuse", que ce livre nous convie.

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Vénus d'ébène

Attention livre d’exception ! 

......... Comme beaucoup de gens, je suppose, Joséphine Baker se résume à peu de choses : une ceinture de bananes, une réputation de femme libre, quelques chansons et… voila. Je n’aurais pas été capable d’en dire plus. Pourtant, quel personnage ! Un roman à elle toute seule. De ce court volume, 250 pages, l’auteur, Jacques Pessis, un gars qui s’y connait en biographies, fait une œuvre fleuve tant Joséphine Baker a eu de vies et la ceinture de seize fausses bananes n’est qu’un élément parmi d’autres d’une existence hors norme dans la France des années folles et au-delà.

Car oui, je l’ignorais, mais sa vie commence dans la France de cette période de fête, à Paris surtout, voire exclusivement, coincée entre deux guerres mondiales et dont elle deviendra le symbole. Pour moi, elle n’était que ça. Je n’avais aucune idée de sa vie avant Paris ni après 1930.

Quand elle arrive au Havre, elle connait personne, ne parle pas français et doit se débrouiller avec un dictionnaire de poche. Pas mal pour celle qui va personnifier le Tout Paris. La Revue Nègre, présentée au théâtre des Champs Élysées, alors en perte de vitesse, sera un succès quasi immédiat grâce à la personnalité hors norme de Joséphine Baker. Elle roule des yeux, des hanches, des fesses, danse pieds nus sur un rythme de charleston pratiquement inconnu dans la capitale. Elle incarne, c’est la clef de son succès, l’imaginaire de l’Afrique et des Antilles pour les parisiens aisés. Un imaginaire colonial plein de bon sentiments mais aussi de préjugés, de y’a bon Banania et de grandes idées. Pourtant, ce qui fait son succès, ce qui la rend absolument unique, c’est qu’elle réussit grâce à sa couleur. Aux États-Unis, lorsqu’elle y retournera quelques années plus tard pour une tournée, c’est à cause de sa couleur qu’elle sera rejetée. Voila ce qu’il faut avoir à l’esprit en écoutant la chanson J’ai deux amours.

Fantasque, elle l’était sur scène. Impossible, c’est ce qu’elle était le reste du temps. On ne pouvait rien lui refuser, surtout le plus inexcusable. Star sans se forcer, elle n’entendait rien à la vie de tous les jours et à ses tracas. Le quotidien lui était un monde inconnu au point que malgré la célébrité et la richesse, elle était toujours sur la paille. Elle dépensait sans compter et ne se souciait pas du lendemain. A d’autres les mesquineries banquières, les factures et les notaires.

Entière, elle se donnait sans conditions, sur scène comme à la ville. Elle connut plusieurs fois l’amour d’un homme mais Paris et la France resteront toujours sa priorité. Elle eut une part très active dans la Résistance grâce à ses connaissance mondaines, ses galas et sa frivolité dont elle usait pour obtenir des informations sans en avoir l’air.

Étonnant personnage qui entra également en lutte contre la racisme, une lutte autrement plus dure et délicate que la guerre mais son plus grand ennemi, ce fut elle-même. Elle ne s’économisait jamais, fut opérée plusieurs fois et fut de retour sur scène beaucoup trop tôt pour les médecins, beaucoup plus vite qu’un individu normal. C’est sûr, une gastro ne l’aurait pas empêchée de monter sur les planches, de séduire son public et de finir la nuit dans son cabaret à son nom. Il faudra une hémorragie cérébrale, en 1975, pour arrêter définitivement une carrière dont ne pourront jamais rêver les candidats de la Star Ac…

Sous les paillettes et les costumes extravagants de cette star de la chanson et de la danse, se cache une femme de cœur et de courage à la destinée hors du commun. Résistante pendant la Seconde Guerre mondiale, engagée dans la lutte contre le racisme, Joséphine Baker est de tous les combats en faveur de l'égalité et de la justice entre les hommes. Au faîte de sa carrière, elle décide avec son mari Jo Bouillon d'adopter des enfants de nationalité et de religion différentes pour prouver au monde que la fraternité entre les peuples n'est pas une utopie. Et c'est au cœur du Périgord, au château des Milandes, qu'elle installe sa "tribu arc-en-ciel". Jusqu'au jour où ses dettes la rattrappent...   Son fils adoptif, Jean-Claude Bouillon-Baker, avec une sensibilité à fleur de peau, nous livre un témoignage bouleversant et inédit sur sa mère en faisant le récit de son enfance. Il rend ainsi l'hommage le plus poignant qui soit à l'une des plus grandes figures du XXe siècle.   Prix de la Ville de Luc sur Mer 2013.

 

Préface d'Henry-Jean Servat :

"Joséphine Baker ne fut pas, au commencement des commencements, une femme de couleurs, mais elle le devint pleinement par la suite. Par tous les pores de sa peau et dans toutes les teintes de l'arc-en-ciel. Née avec le teint chocolat dans la moins éclairée des banlieues sombres de Saint-Louis, Missouri, à la pire époque de la ségrégation sévissant de l'autre côté de l'Atlantique, elle reste, près de quarante ans après son départ, une femme ayant réussi comme aucune autre sa montée au ciel dans une traînée de lumière éblouissante. Ses propos et sa parole sont, aujourd'hui, clairs comme de l'eau de roche et son message simple. Aimer, donner, partager. Née dans la gadoue en laquelle elle pataugeait sans chaussures, Freda (son prénom d'origine) fut d'abord une créature monochrome et charbonneuse avant qu'elle ne se changeât, de par sa propre volonté et grâce à un incessant combat, en une icône scintillant de mille éclats. A travers la récession, le racisme, le rabaissement, la Résistance, la réprobation, Joséphine a réussi à dessiner, non sans heurts, non sans larmes, non sans écarts, non sans éclats, une voie lactée de paix et de tendresse. L'existence ne fut pas, pour elle, une vallée de miel et de roses mais, au long de son chemin périlleux, elle a semé quantité de cailloux blancs qui demeurent comme autant de leçons limpides de courage, de générosité et de panache.

Suivre le récit de l'extravagant et flamboyant destin de Joséphine Baker, c'est assister à l'éveil d'une prise de conscience et à l'épanouissement de l'intelligence de fille battue et humiliée devenue muse d'artistes puis mère nourricière, apôtre de consolation, créatrice d'oasis, réinventant les familles recomposées et les folles utopies. Et le plus émouvant de l'histoire post-mortem de l'incandescente Miss Baker est que les bas et les hauts de sa vie nous soient ici ressuscités par l'un de ses douze enfants chéris, particulièrement bien placé pour parler de son message universel et de son rêve sublime puisque, avec une patience d'ange, il ne veut cesser, au nom de tous les siens, de célébrer la gloire de sa mère. 

Par ce livre et par une prochaine exposition à elle consacrés, Jean-Claude Bouillon-Baker, témoin et acteur de l'Histoire, redonne de nouvelles couleurs à une star, à une héroïne, à une militante, à une artiste. A sa mère."

 

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