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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

Les Cerfs-volants de Kaboul par Khaled Hosseini...

Nous n’en étions pas moins des garçons qui avaient appris à marcher ensemble, et cela, l’histoire, les ethnies, la société et la religion n’y changeraient rien non plus.

Les Cerfs-volants de Kaboul (The Kite Runner) est le premier roman de l'Américain d'origine afghane Khaled Hosseini, il est paru en 2003 aux États-Unis et dans sa traduction française en 2007 par les éditions Belfond.

Il a été adapté au cinéma sous le nom Les Cerfs-volants de Kaboul.

Présentation

L’auteur, dans son œuvre, transmet à son lecteur les idéaux qui lui sont chers et aborde des sujets importants tels l’amitié, la tolérance, la religion ou encore les ravages de la guerre.

Le rôle de l'amitié dans le roman

Khaled Hosseini met en avant dans son œuvre les liens de l’amitié. À travers ses personnages, il tente de montrer que les valeurs morales peuvent prendre le pas sur des valeurs d’ordre social. En effet, les convictions profondes des personnages sauront échapper aux préconçus de la société dans laquelle ils évoluent. Ainsi, malgré leurs multiples différences et l’incongruité de leur amitié, Amir et Hassan restent soudés. La beauté de l’amitié des deux héros se voit renforcée par leur combat quotidien contre les préjugés : « Nous n’en étions pas moins des garçons qui avaient appris à marcher ensemble, et cela, l’histoire, les ethnies, la société et la religion n’y changeraient rien non plus. »  

Amir

Amir nous est présenté comme un garçon vif et cultivé, mais avec peu de qualités de cœur. Lâche, trouillard, menteur, ce personnage est difficile à apprécier pour le lecteur. L’auteur choisit d’introduire un personnage loin des critères habituels du personnage héroïque, afin d’appuyer le fait que les héros peuvent être des gens parfaitement ordinaires, avec des failles et des défauts.

Le point de vue interne qui est adopté permet au lecteur de vivre l’histoire à travers ce personnage. 

Hassan

Il est le meilleur ami et le demi-frère caché d’Amir. C’est un jeune garçon issu d’une minorité religieuse, les Hazaras, et d’une catégorie sociale très modeste. Hassan et son père vivent aux côtés de la famille d’Amir, dans une petite dépendance au fond du jardin, avant de les quitter suite à des accusations de vol. Hassan meurt quelques années plus tard, abattu pendant la guerre, avec sa femme, laissant seul leur jeune garçon Sohrab.

Second rôle de ce roman, Hassan est à l’opposé de son frère Amir. Il sert de modèle au héros de Khaled Hosseini et d’élément déclencheur dans sa transformation.

Baba

Baba est le père d’Amir et d’Hassan. Il perd sa femme lors de la naissance de son premier fils. Après de nombreuses années en Afghanistan, il se voit contraint de quitter sa patrie pour protéger son fils légitime, Amir, et décide de s’installer aux États-Unis. Vivant d’un petit emploi au marché, Baba meurt finalement des suites d’un cancer.

Cet homme imposant est présenté au lecteur comme un personnage froid et distant. Exigeant avec son fils Amir, il ne montre aucune tendresse envers lui. L’auteur se sert ici de Baba pour mettre en avant les capacités d’évolution de l’homme, notamment sur le plan affectif et relationnel.

Sohrab

Sohrab est présenté au lecteur comme un moyen de rédemption pour le héros du livre, mais également comme le portrait cru des conséquences que peut avoir la guerre sur la psychologie d’un enfant. Sohrab perd non seulement sa famille mais aussi son innocence, sa dignité et surtout son enfance. Son mutisme n’est que la conséquence des traumatismes qu’il a subis pendant cette guerre.

A. L’amitié dans la différence

La société dans laquelle ils évoluent se refuse à voir des chiites et des sunnites ensemble, les premiers étant considérés comme inférieurs aux seconds. De nombreuses remarques sont faites au cours de l’œuvre concernant une amitié qui, au yeux de la société afghane, ne devrait pas exister entre Hazaras et Pachtounes. De cette façon l’auteur dénonce les guerres de religion qui existent en Afghanistan, et qui sont sources de nombreux conflits et massacres. Il accuse également les institutions scolaires de participer à cette propagande en ne proposant pas ou peu de livres d’histoire traitant du passé des Hazaras :

« Le livre expliquait que les miens avaient tué et torturé les Hazaras, brûlé leurs maisons et vendus leurs femmes. […] Il expliquait une foule de choses que j’ignorais, des choses que mes professeurs n’avaient jamais évoqués. »

Le mélange entre population aisée et population très modeste est également mal perçue. Amir et Hassan évoluent dans deux milieux bien distincts : le premier connaît le luxe et mène une vie agréable tandis que le second travaille comme serviteur et vit comme il le peut. Cette différence n’empêche pas leur amitié mais crée malgré tout une distance : Amir ne va pas chez son ami, il ne l’invite pas quand il est avec ses amis et garde en tête qu’il reste son serviteur. L’auteur marque par cette distance l’idée que la richesse peut conduire à un sentiment de supériorité, peu importent les liens entretenus entre les protagonistes. C’est une attitude qu’il réprouve, et qu’il condamne même ouvertement à travers le personnage de Farid : « (Il me désigna un vieillard vêtu de loques qui marchait sur un chemin de terre, un gros sac en toile rempli de broussailles sur le dos.) Voilà le vrai visage de l’Afghanistan, agha sahib. L’Afghanistan tel que je le connais. Vous ? Vous avec toujours été un touriste ici. Vous l’ignoriez, c’est tout. » La richesse offre une sécurité qui empêche les personnes aisées d’ouvrir les yeux sur les problèmes qui les entourent, et plus généralement ceux de leur pays.

 

B. L’importance des valeurs morales

Khaled Hosseini tente de nous faire comprendre à travers ces deux personnages que si l’opinion de la société peut être outrepassée pour préserver une amitié, les valeurs morales sont indispensables. Au début du roman, l’auteur nous présente deux caractères bien distincts, l’un courageux et dévoué, l’autre lâche et peureux. Ces différences vont être à l’origine d’une rupture irrémédiable entre les deux amis. Comme l’auteur tend à nous le prouver au long du livre, l’amitié exige une réciprocité des sentiments et des apports mutuels. Chacun doit pouvoir compter sur l’autre : « Jamais il ne me dénonçait cependant. Jamais il ne révélait que l’idée du miroir, tout comme celle de jeter des noix sur le chien, venait de moi. » Ce n’est que par son évolution mentale et le rachat de ses fautes qu’Amir parviendra à mériter l’amitié que lui porte Hassan. Pour son ami et son frère, Amir retournera dans sa patrie et affrontera la guerre afghane afin de sauver le fils de ce dernier. L’amitié est ici idéalisée et présentée comme une chose principalement relative à l’enfance. En effet, seule cette période semble propice à l’épanouissement de ce genre de liens. En grandissant, les différences qui opposent les personnages créent peu à peu un fossé entre leurs vies. Cette amitié est d’ailleurs rompue pendant l’adolescence, phase de transformation vers l’âge adulte. Il existe une contradiction forte entre l’amitié idéale que nous présente l’auteur et l’horreur de la guerre en fond qui rythme leur vie.

Les liens qui unissent les deux enfants permettent à l’auteur de présenter une vision idéalisée de l’amitié, mais surtout de critiquer certaines pensées étroites en l’Afghanistan où les hommes ne sont pas tous égaux à cause de différences culturelles, sociales et matérielles. 

Les deux visages de l'Afghanistan

Le roman de Khaled Hosseini prend place dans un contexte difficile, au cœur de l’Afghanistan, pays natal de l’auteur. Ce choix lui permet de présenter une terre à laquelle il tient et d’évoquer la guerre qu’il y a eu avec les horreurs qui en ont découlé. Il choisit de montrer les deux facettes de ce pays : l’Afghanistan prospère, qu’il connaît dans son enfance, puis l’Afghanistan dévasté, celui que la guerre a ravagé.

 

         1. L’Afghanistan d’avant-guerre 

L’Afghanistan est présenté au départ comme un pays agréable à vivre. L’auteur se sert de ses souvenirs pour présenter l’Afghanistan qu’il a connu avant son exil. C’est par le personnage d’Amir qu’il montre les paysages que peut offrir sa terre natale. Il présente donc la vie des quartiers afghans, notamment en montrant la bonne entente qui y règne, les soirées régulières qui y sont organisées, etc. L’accent est mis sur l’aisance de la famille de Baba par des termes mélioratifs et un champ lexical du luxe omniprésent : « marbre », « mosaïques complexes », « tapisseries tramées de fils d’or », etc. Malgré la présence d’une pauvreté sous-jacente, le lecteur a une vision positive et agréable de ce pays. Amir évoque d’ailleurs toujours celui-ci avec beaucoup de nostalgie ; pour lui il est synonyme de courses de cerfs-volants et d’odeurs de brochettes dans les rues de la ville.

Dans cette première partie, Khaled Hosseini souhaite nous faire découvrir sa terre natale dans ce qu’elle a de meilleur à offrir en pointant cependant les problèmes déjà latents en Afghanistan.

 

         2. L’Afghanistan ravagé

L’auteur se sert de son œuvre pour partager le quotidien des Afghans lors de la guerre. Il explique notamment par quels moyens les talibans ont pu avoir accès au pouvoir. En 1978, l’armée rouge prend le pouvoir et installe un gouvernement prosoviétique. De nombreux soulèvements ont lieu, la répression est grande et le pays a peur. Cette angoisse touche toutes les couches sociales. Dans son roman, l’auteur insiste de nombreuses fois sur la volonté de changement du peuple afghan et le soulagement qu’apporte l’arrivée des talibans en 1992. Par ses descriptions, il livre à son lecteur une idée de l’ambiance et des pensées qui règnent alors. Si les talibans instaurent une paix relative, la mise en place d’un gouvernement islamiste sévère, suivant strictement les règles de la charia, fait peur. Le gouvernement ne tolère aucune autre religion et en 1998, l’extermination des Hazaras commence, au milieu d’un fanatisme omniprésent.

L’auteur montre à plusieurs reprises cette exaltation religieuse, notamment lors de la lapidation publique d’un couple infidèle : « Nous sommes ici aujourd’hui pour appliquer la charia. Nous sommes ici car la volonté d’Allah et la parole de son prophète Mahomet – qu’il soit béni. – sont bien vivantes en Afghanistan, notre chère patrie. […] Il nous dit que chaque pécheur doit être puni selon son crime ! ».Ces situations lui permettent d’exprimer son avis sur ce gouvernement extrémiste, notamment à travers les paroles de ses personnages : « Et ils se prétendent musulmans », lâche l’un d’eux à l’occasion de la mise à mort.

Dans son texte, Khaled Hosseini met en lumière les massacres que son pays a dû subir etl’attitude inhumaine que les hommes ont pu avoir pendant cette période. Il dénonce les réseaux de pédophilie, les actes de torture gratuite et rappelle l’horreur qui y régnait :« Kaboul répondait alors parfaitement à la définition de l’enfer sur terre ». Il n’est alors plus question d’un livre sentimental mais d’une œuvre engagée, qui livre sans détours les horreurs de la guerre afghane. Autour d’une histoire d’amitié, l’auteur aborde l’histoire de son pays. Ce second visage de l’Afghanistan est plus cru, plus poignant, et amène le lecteur à découvrir toutes les facettes de la guerre.

L’œuvre mêle donc tranches de vie et texte documentaire. En montrant les paysages variés de l’Afghanistan, l’auteur pointe aussi les différentes facettes de l’homme confronté à ses instincts primaires. En outre, l’écriture simple et sincère de Khaled Hosseini permet une approche nouvelle de la guerre en Afghanistan, seulement deux ans après les événements. Rares sont à l’époque les ouvrages traitant de ce sujet.

 

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