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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

La véritable histoire du sapin de Noël.

De tout temps, Noël représente, outre l’occasion de se remplir le ventre avec une bonne bûche et de recevoir de beaux cadeaux, un moment familial, joyeux et surtout magique. C’est le moment de monter le sapin et de le décorer pour rendre notre intérieur chaleureux tandis que le vent s’agite à l’extérieur et que la température frise les zéro degrés.

Saviez-vous qu’il s’agit d’une longue tradition qui prend ses racines au Moyen Âge ? « Quoi, si tôt ?» devez-vous penser. Eh bien oui, la première mention d’un sapin coupé en l’honneur de Noël remonte au XVe siècle Et c’est en Allemagne qu’apparaît cette coutume : En 1419, les archives de la ville de Fribourg mentionne un arbre de Noël que la confrérie des garçons-boulangers avait monté dans l’hôpital du Saint-Esprit. Une mention de cette coutume est également faite dans un livre de comptes de la ville de Sélestat datant du 21 décembre 1521. A cette époque cependant, la pratique du sapin de Noël ne concerne que les collectivités.

Le sapin fait par la suite son entrée dans les foyers : il est alors décoré de roses en papiers multicolores, de pommes, de fruits secs, de pains d’épices et de fils d’or. Le sommet du sapin porte également une étoile en bois, rappelant aux chrétiens l’étoile de Bethléem. Si la coutume du sapin et de sa décoration à la Renaissance ne semble pas éloignée de celle que nous connaissons aujourd’hui, il faut cependant imaginer qu’à l’époque, le sapin était suspendu… au plafond. Peut-être était-ce pour rappeler les rameaux du Nouvel An ou bien figurer l’arbre du Paradis céleste ?

Benjamin Zix, Gravure, 1806, Cabinet des Estampes et des Dessins, Musée de Strasbourg

Nombreux sont d’ailleurs les historiens qui affirment que la tradition de l’arbre de Noël a pour essence une volonté de rappeler l’arbre du Paradis d’où Adam et Eve furent chassés. Les pommes rouges accrochées au sapin symboliseraient ainsi le fruit de la tentation. Par la suite, les bougies près du sapin évoquent la lumière apportée par le Christ, sacrifié pour sauver l’humanité du péché originel.

Lucas Cranach l’Ancien, Adam et Eve au paradis (détail), 1530 Kunsthistorisches Museum, Vienne

 

D’autres encore voient en cet arbre une allégorie du croyant que l’Ancien Testament décrit comme un « arbre vert » (Psaume 1).

Comme la crèche est rattachée à la tradition catholique, la tradition du sapin du 25 décembre est par ailleurs associée au culte protestant. Ainsi l’explique l’enseignante-chercheuse Anne Ruolt :

«Le rejet des statues et de leurs vénérations, mais aussi de la notion de « sainte famille » dans le protestantisme, fait de cet arbre qui « crée l’événement » le symbole d’une allégorie naturelle, illustrant le sens du message du salut clairement exprimé dans les Evangiles».

Mais si l’arbre de Noël tire ses racines de la tradition chrétienne, force est de constater que des éléments propres à la tradition païenne s’y sont également greffés.

Des membres du clergé voient donc en cette tradition naissante des réminiscences du paganisme qu’il est important de condamner et d’éradiquer. Ainsi en est-il de l’évêque de Worms du début du XIe siècle qui, pour asseoir son propos, évoque le décret de l’évêque de Limoges du IIIe siècle -qu’il présente comme un pape – interdisant formellement aux fidèles de décorer leur maison le 1er janvier avec des rameaux verts. Leur combat contre l’arbre de Noël s’avérera cependant insuffisant. Cette coutume, qui apporte un peu de magie et de chaleur dans nos maisons, va malgré eux se répandre.

Ce n’est cependant qu’au XIXe siècle que cette tradition se développe réellement en France, au-delà de l’Alsace. Cet arbre fait en effet son entrée dans d’autres pays européens grâce aux relations diplomatiques de l’Allemagne. En 1816, la princesse Henrietta de Nassau-Weilburg l’introduit à Vienne, faisant ainsi entrer l’arbre de Noël en Autriche. Quant à l’Angleterre, c’est sous le règne de George III et de la reine Charlotte de Mecklenburg que cette tradition apparaît dès 1790. Il faut cependant attendre l’arrivée d’Albert de Saxe-Cobourg en 1840 pour que cette tradition se développe réellement dans le royaume de la reine Victoria, son épouse.

La reine Victoria, le Prince Albert et leurs enfants admirant le sapin, décembre 1848

 

En France, on dit que le château de Versailles aurait accueilli un sapin de Noël en 1738 sous l’impulsion de l’épouse de Louis XV, Marie Leszczinska. L’arrivée de l’arbre de Noël au palais des Tuileries reviendrait cependant à la princesse allemande Hélène de Mecklembourg-Schwerin, par son mariage avec Ferdinand-Philippe, le fils du roi Louis-Philippe, le 30 mai 1837.

En 1858, une grande sécheresse porte un coup dur à la coutume du sapin. La France et ses pays limitrophes se trouvent en effet privés de pommes qui servaient alors à orner l’arbre de Noël. C’est alors qu’en Moselle, un artisan de la verrerie de Goetzenbruck a une idée: créer des boules décoratives grâce à la technique du verre filé. Avaient-elles pour but originel de garnir les branches du sapin ? Difficile à dire. Néanmoins, elles sont rapidement adoptées comme décorations et remplacent désormais les pommes rouges du sapin de Noël grâce à l’usine Vergo (contraction de « verrerie » et de « Goetzenbruck »). Par la suite apparaissent les guirlandes, les oiseaux et les clochettes.

Si le sapin est introduit en France dès le règne de Louis XV ou, plus vraisemblablement, sous le règne de Louis-Philippe, cela ne concerne que les demeures royales. Il faut en effet attendre la fuite des familles d’Alsace vers les autres régions françaises après la guerre de 1870 pour que cette tradition se diffuse à travers l’hexagone. C’est donc à la fin du XIXe siècle, et surtout au début du XXe siècle, que la tradition du sapin devient systématiquement associée aux Noëls des Français.

Le sapin devient dès lors un vrai produit de consommation: il figure sur les affiches, inonde les grandes boutiques et décore les places publiques. L’engouement pour l’arbre de Noël est tel que le grand magasin BVH vend des sapins artificiels dès 1921.

 

 

Sources:

Auguste Hollard, « Les origines de la fête de Noël », Revue d’histoire et de philosophie religieuses, 11e année n°3, Mai-juin 1931. pp. 256-27

Anne Ruolt, « Du rôle des fêtes et de la joie comme moyens d’exciter la jeunesse à l’étude et de lui inspirer l’amour de l’école. Le cas des Écoles du Dimanche françaises du XIXe siècle », Revue d’histoire et de philosophie religieuses, 91e année n°4, 2011.

Gilles Kremer, Sylvie Voisin, Mon beau sapin, roi des forêts…, Le Blog Gallica.

Martyne Perrot, Le Cadeau de Noël: Histoire d’une invention, Autrement, 2013.

Philippe Rouillard, Les fêtes chrétiennes en Occident, Editions du Cerf, 2003.

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