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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

Affaire Grégory : de la Vologne à Collioure, un ancien gendarme raconte comment "la justice s'est plantée"

 

Le colonel en retraite Étienne Sesmat, conseiller municipal en charge de la sécurité à Collioure (Pyrénées-Orientales) où il réside, était jeune commandant de gendarmerie à Épinal, quand à tout juste 30 ans l’affaire du Petit Gregory lui est "tombée dessus". 

36 ans après l’assassinat de cet enfant de 4 ans, alors que l’instruction vient d’être relancée par une expertise en stylométrie des lettres du corbeau, Étienne Sesmat a accepté de replonger dans les abîmes de ce dossier qui a marqué sa carrière et a ému la France entière. Et dont l’assassin n’a jamais été démasqué.

Étienne Sesmat, de la Vologne à Collioure

En 2007, Étienne Sesmat est engagé comme directeur de la sûreté de la régie des transports à Marseille. Il y restera 11 ans. Puis, il prend sa retraite à 64 ans et rejoint son épouse à Collioure où ils ont construit une maison. Là, il rejoint l’équipe de campagne du nouveau maire Guy Llobet, est élu conseiller municipal en charge de la sécurité, tout en portant intérêt au patrimoine militaire et architectural de la commune.

Après la Vologne, Étienne Sesmat a mené "une carrière dans la gendarmerie parfois un peu difficile, parfois atypique" et indéniablement marquée par l’affaire Gregory. "Il y a eu une première période un peu crispée. J’avais l’impression que le système gendarmique avait du mal à me soutenir et à comprendre ce qui s’était passé puis la confiance est revenue, raconte-t-il. Je ne regrette pas, cela m’a permis d’avoir des postes à l’étranger, Berlin, le Togo, la Nouvelle-Calédonie, le Cambodge… ". 

Je l’ai fait non pas parce que je suis hanté ou tourmenté par l’affaire mais pour assumer mes responsabilités

Étienne Sesmat est nommé à deux reprises commandant de groupement dont celui de l’Ardèche. Puis il quitte la gendarmerie en 2006 au grade de colonel, alors chef d’état-major zonal à Marseille pour, dit-il, "me libérer de ce devoir de réserve et écrire un livre". L’ouvrage "Les deux affaires Gregory" aux éditions Belfond sort cette même année 2006. "Je l’ai fait non pas parce que je suis hanté ou tourmenté par l’affaire mais pour assumer mes responsabilités, défendre l’honneur des gendarmes et participer à ce travail de recherches de la vérité. Nous avons fait un travail honnête, impartial, réfléchi qui se tenait et nous avons été sévèrement et injustement critiqué. Je voulais aussi montrer que cette affaire n’est pas si mystérieuse que ça et la justice n’est pas si loin de la vérité".

 

La justice a "déraillé" selon Étienne Sesmat

"Je pense qu’aujourd’hui l’affaire Gregory aurait dû être résolue. Parce qu’à un moment, la justice a déraillé, elle s’est plantée, résume sans concession Étienne Sesmat. Au bout de 5 jours, on est arrivé sur un suspect Bernard Laroche. Tout concordait mais le juge Lambert a fait d’énormes fautes de procédure. On sait aussi qu’il y a eu une conjuration de trois personnes, un avocat, un journaliste et un commissaire de police. Deux d’entre eux l’ont reconnu. Ils se sont associés pour peser sur le juge et faire dévier son instruction. Très rapidement, le juge Lambert a abandonné la piste Laroche et s’est intéressé à Christine Villemin. On n’a rien pu faire parce qu’on a été attaqués. Ils ont dit que le témoignage de Muriel Bolle avait été obtenu en exerçant des pressions.

Pour nous, son témoignage est crédible. J’appelle le juge Lambert. Il dit : “Ce soir gardez-la, on verra bien demain”. Le lendemain, elle nous répète tout. Je rappelle Lambert. Je lui dis : “qu’est-ce que vous faites ?” Il me répond : “Ça m’embête, je pars en week-end, on verra lundi”. Voilà ce qu’était le juge Lambert. Face à une affaire aussi énorme ! De là, début 1985, la justice ne se passe plus au palais mais dans les journaux. Une plainte contre nous a été instruite qui s’est soldée par un non-lieu catégorique, confirmée en appel, puis en cassation. Toute l’enquête a été reprise par le juge Maurice Simon, l’anti Lambert, puis par Jean-Paul Martin. Cela a abouti à l’arrêt de février 1993 : la bible de l’affaire Gregory. 80 pages qui établissent que Christine Villemin est à 150 % innocente, sans aucune charge. Et ces magistrats écrivent qu’il existe des charges très sérieuses à l’encontre de Bernard Laroche d’avoir enlevé Gregory." 

"Cette affaire, la chance de ma vie"

"En 2017, les magistrats de Dijon mettent en examen Muriel Bolle et les époux Jacob comme étant les complices de Bernard Laroche. Et ils disent qu’au bout de 15 jours d’enquête, nous étions sur la bonne piste. Aujourd’hui, on ferait la même chose, on aurait le même raisonnement. Je me reproche simplement deux choses dans cette affaire. La première : de ne pas avoir été dans une relation professionnelle exigeante avec le juge Lambert. Quand je l’ai rencontré il m’a dit : “l’affaire Gregory c’est la chance de ma vie”.

C’est hallucinant d’entendre ça de la mort d’un enfant. La seconde est de ne pas avoir suffisamment entendu la solitude et le désarroi de Jean-Marie Villemin. Je m’en veux car aujourd’hui le problème de l’affaire Gregory c’est que l’homme, désigné par la justice comme le personnage pivot de l’affaire, a disparu. C’est vrai, au début, il y a eu tout un tas de suspects évidents mais très vite on les a écartés. Dans le premier cercle de la famille Villemin tout le monde avait un alibi. Aujourd’hui, la justice s’intéresse aux Jacob. On avait vérifié leur emploi du temps à l’époque, et il nous avait dit qu’il était à une réunion syndicale. On s’est peut-être trompé. On a peut-être laissé passer quelque chose…"

 

 

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G
Le juge Lambert est désigné comme le responsable de ce fiasco judiciaire et ….., il en est mort..... <br /> Il est souvent présenté comme inexpérimenté alors qu'il était en poste à Épinal depuis plusieurs années. En fait il était le seul juge d'instruction et était en charge de plus de 200 dossiers. Il a reconnu de ne pas avoir été assez attentif à cette affaire à son début dont on lui disait qu'elle serait vite réglée, dixit les gendarmes qui avaient déjà investigué quelques années avant suite à la plainte concernant les appels anonymes.<br /> Pour essayer de comprendre son attitude lors de la garde à vue de MB et dépasser l'argument un peu facile du 'je m'en foutisme', il faut replacer cet épisode dans son contexte.<br /> Nous sommes donc le 2 novembre, 17 jours après le crime. BL et MAL sont dans le collimateurs des gendarmes depuis le 19 (appel de MAL à Bruyères). Pendant ces deux semaines les PV d'auditions sont arrivés sur son bureau. Lambert n'est sans doute pas stupide, il a bien compris qu'il y avait un problème avec la théorie, admise par tous, de l'enlèvement. Entre les voisins qui n'avaient pas vu d'individu ou de véhicule suspect, les déclarations de la mère du petit qui étaient imprécises et contradictoires avec celle des dits-voisins et son étrange comportement que certes pouvait expliquer l'angoisse mais une angoisse pourtant fluctuante suivant les témoignages (mère: je l'imaginais dans un chemin, Claudon: calme, Jacquot : en pleurs, …) et puis il faut le dire la quasi-impossibilité à un ravisseur de savoir par avance que le petit serait devant la maison ….., seul et surtout sans surveillance devant une porte susceptible de s'ouvrir à chaque seconde. Ajoutons la lettre de revendication postée presque simultanément au rapt. <br /> N'importe quel instructeur serait arrivé aux mêmes questionnements au bout de quinze jours. Non ?<br /> Et encore à ce moment il n'a pas les témoignages des 'filles de la poste' gardé sous les coudes galonnés, des traces de pneus et de talon vite écartées sans plus de comparaison, etc. ….. <br /> Pour tout dire les Laroche ne sont pas sa priorité.<br /> <br /> Alors les aveux de MB tombent un peu comme des cheveux dans le potage. Genre un peu grosse ficelle... Trop beau pour être vrai.<br /> Sa décision de rendre la gamine à sa famille le samedi après-midi passe pour le summum de l'irresponsabilité du juge alors qu'elle n'a pas eu d'incidence ; la jeune fille répétant la même version le lundi matin dans son bureau. De là à dire que ce délai renforce la véracité du témoignage ? …..<br /> Là, tout de même, il faut faire un effort pour imaginer l'adolescente, venant de passer une trentaine d'heures à la gendarmerie qui ne subit pas de pressions au sein de sa famille pour savoir ce qu'elle a pu raconter à ses nouveaux copains, surtout si on se rappelle que son complice désigné était à la porte à son arrivée.<br /> <br /> Le jeune capitaine, lui, avait décrété depuis longtemps: « mais la mère vous n'y pensez pas ! ».<br /> Penser ou pas, c'était à lui de voir, mais juste vérifier certains trucs…. ?
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L
Bonjour Guy...<br /> Je vous conseille vivement de lire le livre de la journaliste Patricia Tourancheau "L'affaire Gregory".