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16 Septembre 2020
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La grâce.
Et la connaissance.
Oui, la grâce et la connaissance, ce sont les deux mots qui viennent à l'esprit quand on ferme le livre de Maylis Adhémar "Bénie soit Sixtine".
Paru fin août aux éditions Julliard.
La grâce des mots qui s'enchaînent avec élégance et justesse.
La connaissance, oui, celle des milieux cathos intégristes, on pourrait même oser dire que "l'Esprit Saint" est à la manoeuvre !
L'histoire débute tout simplement par un mariage.
Mais pas n'importe quel mariage...
Celui d'Hugo et de Marie-Sophie.
Un mariage bien "tradi" (entendre ici "intégriste") avec messe de deux heures à l'ancienne, "dos au peuple".
Dans l'assemblée...
Des Saint-cyrien, des Polytechniciens, quelques militaires et...
Un tas de jeunes filles de bonne famille dûment chapeautées dont les robes descendent sagement en-dessous du genou.
La chorale qui entonne l'Ave Maria lors de la présentation des nouveaux époux à l'autel de la Vierge.
Notre héroïne, Sixtine Duchamp est là tout-à-fait dans son élément.
Et c'est à ce moment précis, à la table des célibataires, qu'elle va rencontrer son futur époux : Pierre-Louis Sue de La Garde.
"élancé, solide, cheveux ras, nuque dégagée, le costume parfaitement taillé, bleu marine, les boutons à fleur de lys et le nœud papillon rouge-bordeaux"
Il a coché toutes les cases pour plaire à cette jeune fille réservée.
Elevée dans une famille limite intégriste.
La famille de Pierre-Louis, elle, est totalement intégriste.
Limite sectaire.
Le jeune homme, sorti de l'X, a fondé sa propre société de conseil en technologies de l'information.
Avec Bertrand, un camarade de promotion.
Il appartient au mouvement des Frères de La Croix, fondé en 1971, par le père André, en réaction au Concile Vatican II, "considéré comme l'œuvre du diable".
Mouvement non reconnu par Rome.
Et n'hésite pas à participer à des expéditions punitives contre tout ce qui n'est pas dans la droite ligne du "Mariage pour Tous".
Avec des relents de pensée proches de L'Action Française.
"Elle le trouve sûr de lui, rigoureux, séduisant, fier, direct, une personne de confiance. Un regard franc, comme ces hommes sur les images pieuses de l'autel familial, des visages de saints militaires. C'est cela. Pierre-Louis a le regard courageux de ces soldats de Dieu, virils mystiques aux pieds desquels Muriel, la mère de Sixtine, déverse tant de prières."
La famille de Sixtine, moins exaltée, peut heureusement se vanter d'avoir dans ses rangs la soeur Thérèse de Jésus, Zélie Duchamp, soeur aînée de Sixtine.
Qui est entrée au couvent des Frères de la Croix, justement.
Sixtine, elle, suit mollement des cours d'histoire de l'art à l'Institut catholique de Rennes.
Elle ne connaît rien de la vie.
Si ce n'est un flirt un peu osé à l'âge de 14 ans, qui lui a laissé bien des rêves érotiques.
Trois jours plus tard, voilà que Pierre-Louis l'invite à diner dans un bon restaurant de Rennes, puis à un concert de musique classique.
Début mai, après un chaste baiser, il lui offre sa bague de fiançailles.
Une ombre à ce si charmant tableau ?
Celle de sa future belle-mère Madeleine Sue de La Garde :
"Fille de Saint-cyrien, épouse de Saint-cyrien, mère de cinq garçons et de trois filles, grand-mère de sept petites têtes blondes, et responsable de la chorale au camp d'été pour jeunes des Frères de la Croix."
Une adepte sans conditions de l'horrible et fameux : "Le coq est lâché, Mères, gardez vos poules !"
Il est évident que cette pauvre Sixtine arrêtera ses études.
Et se consacrera à gérer la maison de son mari et à fonder une famille avec de nombreux rejetons dans la droite ligne de la fameuse injonction de la Bible : "Croissez et multipliez-vous !"
Après une pénible nuit de noces, et quelques autres nuits sans tendresse et sans jouissance, avec, avant et après l'acte conjugal, le signe de croix de son mari sur son front...
Sixtine tombe enceinte.
Seulement voilà...
Alors que Sixtine n'en peut plus de vomir chaque matin...
Tout ne va pas se dérouler comme prévu.
Cet exalté de Pierre-Louis va aller, avec sa Milice, castagner un groupe de gauchos au squat Kana, quelque part dans la banlieue sud de Nantes.
Et y trouver bêtement la mort.
En même temps qu'Antoine Fabre, militant, lui, d'extrême gauche.
Sixtine n'en peut plus.
Des saintes femmes.
Sa mère.
Sa belle-mère.
Et, après avoir échappé, via une péridurale accordée in extremis, à un douloureux accouchement ("Tu enfanteras dans la douleur")...
Elle va s'échapper avec le bébé...
Adam...
Son tout petit.
Et rompre avec cette vie d'interdits et d'injonctions.
Pour se découvrir.
Et, grâce au travail de généalogie de sa belle-soeur Elisabeth, découvrir aussi et surtout la véritable histoire de la famille de sa mère.
Et, en découvrant cette histoire, découvrir enfin son goût pour la vraie vie.
Tout en trouvant réponse à sa question lancinante : Pierre-Louis est-il ou non l'assassin d'Antoine Fabre.
........................
Ce livre est admirablement construit.
Entrecoupé de prières.
Avec une nette préférence pour l'acte d'abandon du père de Foucauld.
Qui résume si bien, à lui seul, le bourrage de crâne inculqué de force à cette malheureuse Sixtine :
Mon Père,
Je m'abandonne à toi,
Fais de moi ce qu'il te plaira.
Quoi que tu fasses de moi,
Je te remercie.
Je suis prêt à tout, j'accepte tout,
Pourvu que ta volonté
Se fasse en moi,
En toutes tes créatures,
Je ne désire rien d'autre, mon Dieu.
Je remets mon âme entre tes mains.
Je te la donne, mon Dieu,
Avec tout l'amour de mon cœur,
Parce que je t'aime,
Et que ce m'est un besoin d'amour
De me donner,
De me remettre entre tes mains sans mesure,
Avec une infinie confiance
Car tu es mon Père.
Et aussi d'émouvantes lettres d'Erika, la grand-mère maternelle de Sixtine, à sa chère fille Muriel.
Muriel, la coincée, qui a passé son temps à mentir aux siens sur ses vraies origines.
Ce livre est magnifiquement écrit.
Aucun relâchement tout au long de ses pages.
Ce livre se lit comme un thriller haletant.
Dont on atteint la fin à regret.
On peut dire que Vanessa Springora, la nouvelle directrice des Editions Julliard...
A, pour un coup d'essai.
Réalisé, là, un coup de maître.
Ce livre a des accents de l'ouvrage de Catherine Cusset : "Une éducation catholique"..
Au fait...
Tout cela se déroule à Nantes...
Dans des milieux catholiques intégristes...
Cela ne vous rappelle rien ni personne ???
Liliane Langellier
Bénie soit Sixtine.
De Maylis Adhémar.
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Maylis Adhémar : " Dans ma jeunesse, on me disait que Jean-Paul II était l'Antéchrist "
Avec " Bénie soit Sixtine ", Maylis Adhémar signe un premier roman éblouissant sur une jeune femme sous l'emprise d'une communauté catholique intégriste. Un récit en partie inspiré de son hi...
Pour info : interview de Maylis Adhémar.
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Dans Le Monde des Livres du 18 septembre 2020.
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