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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

Nuit sur la neige de Laurence Cossé.

Les instants de joie folle, j'ai eu conscience en les vivant qu'ils étaient fulgurants et qu'ils allaient s'éteindre aussi brutalement qu'ils m'avaient ébloui.

C'est, une fois de plus...

Olivia de Lamberterie qui m'en a donné l'envie...

Le samedi 22 février 2020 dernier.

Lors de sa chronique "Mots" sur Télématin.

Elle en a si bien parlé qu'avant même qu'elle ne finisse sa critique, j'avais déjà acheté l'ouvrage sur Amazon.

Et je ne suis pas déçue. Ce petit roman (161 pages dans l'édition Folio) est un roman d'apprentissage.

Oui, au même titre que "Les désarrois de l'élève Törless" de Robert Musil...

Ou de Harper Lee et son "Qui a tué l'oiseau moqueur" .

Ou encore de ce cher Philippe Labro avec "Un été dans l'Ouest".

Le roman se déroule fin 1935/Début 1936.

Et met en scène Robin, un adolescent de 16 ou 17 ans qui se raconte à la première personne.

Fils unique d'un poilu tué lors de la Première Guerre mondiale, 

Robin est élève en prépa à Vierbest, la très snob boîte jèze (BJ) de Versailles.

Quand il n'est pas en pension,

il vit rue Sédillot, dans le 7ème arrondissement chic de Paris,

avec sa mère, une veuve éplorée qui a promis de ne jamais se remarier.

«nous savions que, tout liés que nous étions l’un à l’autre, l’un et l’autre, nous étions seuls, elle veuve et comme vierge à nouveau, et moi bel et bien orphelin, à jamais enfant unique et dévolu à être tout pour elle».

Dans un immeuble truffé d'une tribu pittoresque de cousins.

"J'avais des cousins, pas d'amis."

Pratique les sports (rugby, tennis, natation, boxe) au très chic Racing.

Patine au Palais de glace au Rond-Point des Champs-Elysées...

Et ne sort de Paris, que pour les grandes vacances, histoire d'aller faire de la voile à Bandol ou à Saint-Lunaire.

Voilà qui ne nous fait pas un profil de jeune solide et conquérant.

Comme sa famille bourgeoise de droite, il est terrorisé par l'arrivé de la gauche de Léon Blum au pouvoir.

Et……….

C'est à cette foutue rentrée de 1935...

Qu'il rencontre Conrad à la BJ.

"Il se tenait un peu à l'écart, sur la réserve, amusé. Je me souviens très bien du premier jour où je l'ai vu. La rentrée venait d'avoir lieu, nous élisions les délégués de classe."

Conrad est différent.

Très différent des jeunes que Robin fréquente.

Et c'est pour cette raison qu'il l'attire.

«Pourquoi a-t-il fallu que je me lie à lui, le seul à détonner dans la classe, et non avec tel ou tel de ces fils de famille si nombreux à Verbiest, coulés dans le même moule que moi ? Pourquoi le seul qui fut énigmatique, le seul absolument amoral en dépit de sa mansuétude, (ou de son fait, du fait de cette bienveillance des sceptiques ?)»

s’interroge le narrateur.

La réponse est dans la question.

Oui, Conrad est différent.

Car Conrad, manifestement, a vécu.

Lecteur de journaux, une rareté à Verbiest, il s’indigne des premières lois antijuives adoptées en Allemagne.

Le narrateur, bébé protégé par maman, peine à comprendre cette réaction.

«J’étais tellement pris de court, j’avais si peu d’idées sur la question et Conrad, quant à lui, était si abattu, que je ne savais pas quoi dire. Je bredouillai : "Tu connais des Juifs, toi ? Je n’en connais pas."»

De fait, Robin ne connaît pas grand-chose.

La rencontre avec Conrad fonctionne comme une sorte d’initiation à l’impalpable des sentiments et à la réalité du monde menaçant de ces années 30.

On voit la découverte se dérouler sur le fond glacial de l’internat des jésuites, mais aussi dans l’univers exaltant des premières pistes de ski alpin.

Car Conrad, en bon Suisse, skie.

Et invite notre narrateur pour les vacances de Noël (après le jour de Noël, car il y a messe et repas de famille) à skier dans la station suisse de Saint-Moritz.

Où un ami de son père tient un hôtel.

Reste enfin la bourgeoisie catholique et passablement réactionnaire, qui sert de cadre familial à notre narrateur, un modèle du genre dans les inquiétudes sociales que sa mère formule lorsque Conrad invite son fils à skier :

«Chez qui Robin va-t-il ? On ne les connaît pas, les - elle hésitait sur la prononciation - ces Wickaert.»

Le risque des «gens qu’on ne connaissait pas», c’est qu’ils «pouvaient être vulgaires, indiscrets, boire et manger des choses que nous n’aimions pas, s’amuser de sujets que nous n’abordions jamais…

Les gestes déplacés ou autres attentats éventuels n’entraient pas en ligne de compte.

A l’âge que j’avais, j’étais considéré par ma mère comme asexué, ni plus ni moins, et cet angélisme incluait une espèce de protection».

Rassurez-vous...

Robin ira bien skier à Saint-Moritz, au Piz Nair ("Les vrais skieurs descendaient au Piz Nair. L'hôtel était au pied des pistes"), en ce décembre 1935.

Appuyé dans sa démarche par son très cher oncle Pol.

"Fais tes premières armes à Saint-Moritz, me dit-il . C'est une station à l'ancienne, polo sur le lac gelé, courses de traineaux, raouts tous les soirs, tu vois le genre, mais il y a des gens qui y font du ski. On vient d'inaugurer la première remontée mécanique."

Après de pareilles vacances, le retour à la réalité de la BJ est un peu difficile.

D'autant que Léon Blum a été agressé en ce 13 février 1936...

Et que, les ligues fascistes ont été dissoutes, dont L'Action Française.

Ce qui secoue les jeunes élèves bourgeois de Vierbest.

Et qui donne lieu à une bagarre...

Que se passera-t-il quand Robin rendra son invitation à Conrad ?

Pour aller skier, pendant les vacances de Pâques, dans le petit village de Val d'Isère...

A l'Hôtel Le Chardonnet.

Loin du snobisme de Saint-Moritz...

Comment se présentait cette future célèbre station, à l'époque ?

Quelle sera la déception, ou pas, du premier amour de Robin ?

Cette jeune, mince, et trop jolie Clarie atterrie d'on ne sait où...

C'est la lecture de ce merveilleux petit roman qui vous le dira.

Un roman en un beau langage, séduisant jusqu'au bout.

Qui a été finaliste du Prix Interallié 2018.

"Un petit joyau romanesque" a écrit Astrid de Larminat pour le Figaro littéraire.

Un véritable roman d'apprentissage, je vous dis.

A consommer comme une friandise.

Entre deux remontées au télésiège...

Pendant ces vacances d'hiver de février.

"Tombe la neige…"

 

Liliane Langellier

Laurence Cossé
Nuit sur la neige (Gallimard)

Laurence Cosse Catherine Helie Gallimardcosse

Née en 1950 à Boulogne-Billancourt, Laurence Cossé débute sa carrière comme journaliste au Quotidien de Paris. L’année de ses 30 ans, elle publie son premier roman Les chambres du Sud (Gallimard). Elle abandonne alors le journalisme pour se consacrer à l’écriture. Tour à tour romancière, dramaturge, auteure de recueils d’entretiens et de nouvelles, elle a publié une douzaine de romans, principalement aux éditions Gallimard, parmi lesquels Le coin du voile (1996), Le Mobilier national (2001) et La Grande Arche (2016). Son oeuvre est récompensée en 2015 par le Grand prix de littérature de l'Académie française. En 2018, elle fait paraître successivement Un canapé sur le trottoir (Salvator), recueil de chroniques publiées dans La Croix, et le roman Nuit sur la neige (Gallimard).

Nuit sur la neige de Laurence Cossé.
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