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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

Janet de Michèle Fitoussi

Donnez-moi juste une plume et un encrier et j'y vais.
Janet Flanner

Michèle Fitoussi....

Je la connais surtout par l'un de ses livres, un petit chef-d'oeuvre d'émotion : "Cinquante centimètres de tissu propre et sec" (Grasset, 1990).

Michèle Fitoussi...

Je la connais aussi pour ses brillantes chroniques dans le magazine "Elle".

Mais elle est aussi, elle est surtout écrivain.

Et voilà que...

Après "Helena Rubinstein" (Grasset, 2012), où elle retrace pas à pas la vie de "cette femme qui inventa la beauté"...

Et "La nuit de Bombay" (Grasset, 2014), où elle se lance sur les traces de son amie Loumia, la co-fondatrice de la marque de lingerie Tam-Tam, qui vient juste  d'être massacrée dans un attentat à Bombay....

Michèle Fitoussi nous offre cette fois "Janet"...

La vie de l'une des journalistes américaines les plus célèbres du New Yorker.

..................

Janet est née Flanner à Indianapolis le 13 mars 1892.

Sa famille est Quaker.

Son père, Frank, est un riche croque-mort.

Sa mère, Mary, femme à la maison, a une folle passion pour les planches.

Et c'est ainsi qu'elle élève ses trois filles (Marie, Janet et Hildegarde) entre déclamations  de vers et répétitions au piano.

"Elle (Mary) se lamentait sans pudeur. Son mariage était un échec, ses maternités, une erreur. Pis encore, ses filles lui avaient volé ses dons. Pour justifier ses sacrifices, elle décida d'en faire des artistes. Elle vivrait leurs succès par procuration."

Après des études médiocres à la Tudor Old School, Janet attrape le virus des voyages, quand toute la petite famille part retrouver Marie à Berlin en 1909.

Janet, qui aimait déjà les femmes, se fait initier au Berlin nocturne par la délicieuse Carlotta, femme délaissée d'un mari officier.

A partir de là...

Plus rien n'est pareil.

Elle vient de contracter les deux virus de sa vie : les femmes et les voyages.

En rentrant de Berlin, et après avoir été exclue de l'université de Chicago, Janet se fait embaucher à l'Indianapolis Star. 

Où elle va assurer les critiques théâtrales.

En 1918, elle épouse William Lane Lehm qu'elle avait croisé à l'université.

Elle affirmera plus tard que c'était le seul moyen de sortir du carcan familial.

Le jeune couple s'installe à New York, la ville des artistes.

Il vit sa folle bohème à Greenwich Village.

Et oui, c'est le début des folles années de l'après-guerre : "On swinguait avec Al Johnson, on applaudissait Charlie Chaplin et Mary Pickford au Strand Theater ou au Roxy."

C'est aussi le début de la bande de l'Algonquin.

Et voilà qu'au milieu d'une fête chez son amie Neysa - qui reçoit toutes les célébrités du moment - elle tombe raide amoureuse d'une beauté aux yeux bleus prodigieux : Solita Solano.

Solita est journaliste à Variety et critique de théâtre au New York Tribune.

C'est l'amour fou.

Celui qu'on pense unique.

Après l'avoir accompagnée en Grèce et à Constantinople pour un article commandé par le National Geographic, Janet débarque avec sa dulcinée à Paris.

Mais pas n'importe où.

A l'Hôtel Saint-Germain-des-Près, situé au 36, rue Bonaparte, dans le 6ème arrondissement..

Janet commence là sa vraie vie.

Entre petits déjeuners au Deux Magots...

Dîners à La Closerie des Lilas ou au Dingo...

Janet va croiser et recroiser toute la "Lost Generation" (Génération perdue), la communauté d'expatriés américains  : Hemingway, of course, qui crèche rue du Cardinal-Lemoine, mais aussi Gertrude Stein, Scott Fitzgerald, John Dos Passos, Erza Pound an so on....

Et oui "Paris est une fête" comme l'écrira plus tard Hem (ingway)...

Le couple fréquente toutes les boites lesbiennes de la Capitale.

Mais aussi la célèbre librairie Shakespeare & Company où officie Sylvia Beach.

Qui, en 1922, publiera à ses frais "Ulysse" de James Joyce.

Entre deux fêtes galantes, Janet écrit.

Elle a décidé de devenir écrivain.

Mais le sort va en décider autrement.

Par son amie Jane Grant, journaliste au New York Times, elle va connaître Harold Ross. L'éditeur new-yorkais qui vient de fonder son magazine.

Le New Yorker.

Et qui recherche des journalistes.

 Solita la pousse immédiatement au stylo :

"Ross veut des histoires sur des célébrités ou sur des gens ordinaires, des reportages sur des endroits familiers aux Américains, des potins aussi. Tout sauf des commentaires sur la mode. Et surtout, il réclame un style personnel. Ma chère, il serait enfin temps de te mettre à travailler." 

En octobre 1925 Flanner publie sa première Letter of Paris dans The New Yorker.

Ce sera la première.

Mais pas la dernière.

Ross lui choisit lui-même le pseudo de "Genêt".

De son côté, Janet se constitue un précieux carnet d'adresses.

"Elle se constitua un réseau d'informateurs, se fit inscrire sur les listes des agences de presse, reçut des invitations au vernissages, aux signatures, aux défilés, aux premières, aux cocktails, aux soirées mondaines."

Une fois son article terminé, Janet l'envoie à New York par la poste de la gare Saint Lazare.

"Genêt" multiplie les chroniques.

C'est futile. Léger. Tout à fait dans le ton de ces Années Folles.

En 1927, elle va s'initier aux portraits (profiles).

Avec celui de la danseuse Isadora Duncan.

Du couturier Paul Poiret.

Et enfin de la célébrissime auteur américaine Edith Wharton.

C'est le succès.

Elle a publié son livre "The Cubical City" l'année précédente chez George Putnam, un ami de Solita.

Quand arrive la dépression de 1929...

Ni elle, ni Solita ne se sentent vraiment concernées par la crise.

Mais Janet ne veut plus se cantonner à la France.

L'Allemagne, touchée par la crise économique, l'inquiète et l'intrigue.

Elle obtient de Ross d'être envoyée à Berlin.

Et tombe éperdument amoureuse de son guide et chauffeur : Noël Haskins Murphy.

"Dans sa lettre de Berlin, elle ne parla pas d'Hitler, dont le nom et le visage étaient omniprésent. Elle ne décrivit rien d'inquiétant."

C'est alors que Janet est confrontée à un nouveau problème français : la montée du fascisme. 

Le mardi 6 février 1934, alors qu'elle déjeune chez Lipp, on lui apprend qu'il se passe quelque chose à la Concorde.

Ce jour-là elle comprend qu'elle ne pourra plus jamais exercer son métier comme avant.

Ross l'autorise à feuilletonner l'affaire Stavisky. Simenon venait de le faire pour Paris Soir.

A partir de ce moment là, elle ne va plus se satisfaire de chroniquer des événements mondains et culturels.

Ni de sa nouvelle "Lettre de Londres".

Elle brûle d'envie d'écrire le portrait d'Hitler.

A défaut de le rencontrer...

Janet va accumuler tout ce qui a été écrit sur lui.

"Evitez la politique ! lui répéta Ross quand elle termina son enquête. Soyez caustique sans être caricaturale."

Un an de travail pour une enquête qui fut publiée en trois volets.

Un succès.

Ce que Janet avait pressenti, ne tarda pas à arriver. 

Le 5 octobre 1939, elle embarque pour New York.

Où elle intègre les bureaux du New Yorker.

Jusqu'au jour où...

Elle rencontre Natalia Danesi Murray.

Folle passion. Entre la Big Apple et Fire Island.

Au début de l'année 1944, elle se lance à écrire "La France et le Vieux". Un portrait très fouillé de Pétain.

Mais quand arrive le D. Day, Janet brûle de revenir en Europe.

Comme son grand copain Hem qui est parti libérer le bar du Ritz.

Ce sera Londres. Puis Paris.

Et en novembre 1945 : Nüremberg.

Avec la couverture du procès.

"Au printemps et à l'été 1947, ses reportages la conduisirent dans une Europe en ruines, où la démocratie était plus que jamais menacée."

Elle s'essaye à la radio pour le NBC Blue Netword.

Mais seule l'écriture la fascine.

Au milieu de l'année 1948, elle démissionne du New Yorker.

Elle vit alors avec tristesse l'horrible période du maccarthysme.

Où elle témoigne en faveur de son amie Kay Boyle.

La dernière partie de sa vie voit une moisson de récompenses. 

Légion d'Honneur.

Professeur honoraire au Smith College à Northampton, Massachussets.

National Book Award. Pour le premier volume de Paris Journal (1944-1964).

"Ecrire, écrire bien, écrire de la bonne prose. C'est une étrange profession et cela vous donne une vie bizarre. L'écrivain est sans doute une sorte de maniaco-dépressif toujours down and up, up and down."

Elle meurt à New York le 7 novembre 1978.

........................

Janet Flanner, c'est...

Une vie...

D'écriture.

Mais aussi de fêtes...

Paris, Londres, Berlin, Rome...

Une vie...

De rencontres.

La vraie vie.

Quoi.

Chapeau bas (haut de forme, of course) à Michèle Fitoussi...

Pour, après des heures et des heures de recherches documentaires (cf Sources)...

Avoir su nous faire revivre...

De chair, d'os.

Et de mots.

La beautiful Janet.

Liliane Langellier

 

Janet de Michèle Fitoussi. JC. Lattès. 20 €.

 

P.S. A ma question : Combien de temps de travail pour écrire un tel livre ?

Michèle Fitoussi a répondu : "Presque trois ans".

Janet. Grasset. 20 €.

Janet. Grasset. 20 €.

The New Yorker du 10 octobre 1925. Où Janet a publié son premier article de sa future rubrique "Lettre de Paris".

The New Yorker du 10 octobre 1925. Où Janet a publié son premier article de sa future rubrique "Lettre de Paris".

Georges Simenon a feuilletonné l'affaire Stavisky pour Paris Soir (6 février 1934).

Georges Simenon a feuilletonné l'affaire Stavisky pour Paris Soir (6 février 1934).

Janet Flanner. Photo officielle de Berenice Abbott.

Janet Flanner. Photo officielle de Berenice Abbott.

Janet et Hem. Début 1945.

Janet et Hem. Début 1945.

Janet écrivait ses articles sous le pseudo de "Genêt".

Janet écrivait ses articles sous le pseudo de "Genêt".

Janet Flanner, a l’écharpe jaune avec son ami Hem et William Schirer le correspondant à Berlin de CBS, est représentée au Bar du Scribe, QG des journalistes à la Libération de Paris, en août 1944. Dessin pour Life Magazine de Floyd MacMillan DAVIS (NPG de Washington, Smithsonian)

Janet Flanner, a l’écharpe jaune avec son ami Hem et William Schirer le correspondant à Berlin de CBS, est représentée au Bar du Scribe, QG des journalistes à la Libération de Paris, en août 1944. Dessin pour Life Magazine de Floyd MacMillan DAVIS (NPG de Washington, Smithsonian)

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