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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

Grâce à eux...

“On peut toujours faire quelque chose de ce qu'on a fait de nous”.
Jean-Paul Sartre

Nous sommes la somme de ce que nous avons vécu....

Certains d'entre nous ont plus vécu que d'autres...

Ou plus intensément...

Et puis...

Et puis il y a des années qui comptent double !

Des années où tout se précipite.

Et où on a du mal à se suivre...

L'été de cette foutue année 1987, quand je suis rentrée de Los Angeles, l'une de mes rédactrices en chef, Clémentine Gustin, (l'autre était Laure Boulay de la Meurthe, la girlfriend de Sir Jimmy Goldsmith)...

Donc Clémentine a décidé, unilatéralement, de me virer de L'Express Style.

Difficile d'annoncer ça à une jeune veuve...

Alors c'est Pigasse qui a tenté de s'en charger.

Mais, là, je ne me suis pas démontée...

Oui, je ne lui suis pas venue en aide.

Je l'ai même laissé s'enfoncer sous mes yeux.

Il n'arrivait pas à me dire que j'étais virée...

Et, pour cause, la dernière fois qu'il m'avait croisée, c'était aux obsèques de mon jeune époux, à Notre Dame des Blancs Manteaux.

Oui, en rentrant de L.A., j'étais jolie et très bronzée.

Avec ce parfum de tristesse...

Qui a séduit plus d'un romantique...

Je l'ai donc laissé s'enfoncer...

Et il a fini par me dire d'aller demander à Clémentine ce qu'elle avait à me reprocher.

En remontant dans notre quatrième étage, où son bureau avait vue sur l'Arc de Triomphe, j'ai chopé une bouteille de champagne  et je suis allée l'affronter.

"Buvons ! Je suis virée !"

Elle ne savait pas du tout ce qui s'était passé.

Radio Couloirs a fonctionné dans le Grand Hebdomadaire...

Et, là, tout le deuxième étage (l'étage noble) a été en émoi...

On vire une petite veuve sans aucuns motifs, juste pour faire plaisir à l'ancienne favorite de Goldsmith...

C'est Yves Stavrides qui a dégainé le premier.

"Clémentine, c'est une enculure, mais t'inquiète pas, Lily !"

Je n'étais ni triste ni inquiète, juste très en colère.

Comme je sais l'être !

Avec cette insupportable tendance au mépris de ceux qui me nuisent.

Yves a fait l'émeute.

Il a filé chez Yann de l'Ecotais.

Et ils ont décidé de m'héberger au service Spectacles.

Juste un petit bureau au sixième.

Une moitié de bureau, en fait.

Pour m'occuper de la rubrique critiques télévision.

Je partageais ce bureau avec Luc, un grand et beau garçon brun.

Spécialisé dans la musique rock.

Dans ce bureau, c'était un perpétuel défilé.

Et cela me pesait parfois.

Je devais rapidement apprendre que Luc était LE dealer du journal.

Chez lui, on trouvait tout...

De l'herbe, du chichon, de la coke, de l'héroïne et des médicaments.

Je ne touchais à rien de tout ça.

Très vite, tout le service est descendu au premier étage.

C'était important les étages au sein du Grand Hebdomadaire.

Et j'ai déjà écrit que l'étage noble était le deuxième étage. Service Monde, Société, Economie, Sciences,etc...

Le coeur du journal, quoi !

J'ai échoué dans un merveilleux petit bureau.

Entre le Service Livres et le Service Spectacles.

Je ne me souviens plus comment j'avais rencontré François Forestier.

Mais je me souviens que lorsque j'ai perdu mon Langellier, en mars de cette année-là, François était au ski.

Et qu'il m'a dit en rentrant : "Pourquoi t'as fait ça quand j'étais pas là ?"

Joli, non ?

Mon bureau était juste en face du sien.

Je collectionnais avec ferveur depuis longtemps tous ses articles.

Pensez donc, le cinéma américain...

Et, très vite, il me demanda de l'accompagner à ses projections privées...

François...

On l'appelait aussi le Polack à cause de son air slave et de son abondante chevelure blonde...

Et quand il était fâché, on disait qu'il avait l'icône de travers...

François pissait de la copie comme personne.

Et de la bonne copie.

Avec un humour inégalable.

Qui fit dire un jour à mon beau-frère aîné du Monde : "C'est quand même plus facile de faire de l'humour sur le cinéma américain que sur les événements internationaux..."

C'est sûr !

Donc il y avait François, dans le bureau d'en face.

Qui me protégeait et m'avait à l'oeil.

Le bureau juste à côté du mien était vide.

Il servait aux pigistes prestigieux.

C'est ainsi que, selon les semaines, j'y croisais Luc Ferry ou Angelo Rinaldi.

Luc, c'était le beau gosse philosophe...

Avec sa moto et sa silhouette longiligne.

Oui, le futur ministre de l'Education...

Et  Angelo, ses chroniques littéraires étaient craintes chaque semaine dans le monde des livres... 

Son écriture était cryptée. Très très cryptée...

A un point tel que, parfois, j'étais obligée de lui demander de traduire.

Angelo, avec qui je déjeunais parfois,...

Oui, le futur académicien...

Angelo qui m'a même vendu un lit en cuivre et me l'a fait livrer au journal !

Histoire de...

Ce bureau, où j'avais échoué, je le partageais avec l'assistante du service Livres.

De nombreux journalistes de différentes spécialités participaient à cette rubrique qui était, à l'époque, dirigée par Anne Pons.

Elle avait succédé à Janick Jossin, l'épouse de François de Closets.

J'avais vite repris mes cours au CFPJ de la rue du Louvre.

Et c'était une véritable cavalcade.

Mais, comme ça, je n'avais pas le temps de penser !

L'un des personnages qui devait hanter mon bureau (et ma vie) était Jean-Pierre Dufreigne.

Rédacteur-en-chef de L'Express Paris et déjà écrivain.

Jean-Pierre écrivait très souvent des critiques d'auteurs américains contemporains.

C'était un fou de "Lolita" (Nabokov).

C'est avec lui et par lui que j'ai connu Alison Lurie.

Il avait écrit une recension de son livre "Les amours d'Emily Turner" (Love and friendship).

Qui venait juste d'être traduit chez Rivages.

...Il avait écrit "Séduisante parce qu'un peu sotte !"

Et ça, avec moi, ça ne l'avait pas fait !

Aussi quand il est arrivé, auréolé de tous les compliments de son fan club de nanas, et qu'il s'est tourné vers moi...

Je ne l'ai pas raté..

"Donc, vous les aimez sottes ?"

C'était juste le début d'une grande passion orageuse, s'il en fut.

Mais il m'a fait grandir, Dufreigne.

Je ne pouvais pas avoir de meilleur maître que lui !

A tel point qu'à la fin de ma première année du CFPJ, où je présentais la première moitié de ma thèse de journalisme sur "Eton, l'école des futurs rois"...

Un article que j'avais écrit sur place près de Londres et où j'avais même réussi à obtenir l'interview du head master (proviseur).

Un géant écossais.

Que j'avais fait rire..

Car j'avais émaillé mon interview de mots de leur argot estudiantin.

...A tel point qu'a la fin de ma première année, Nicole, la prof en charge, m'invita à dîner Place des Victoires pour me dire qu'il était inutile de suivre une deuxième année...

A l'école des maîtres où j'étais..

Je ne trouverais jamais mieux.

Car je ferais ma deuxième année...

Grâce à eux !

Il faut dire que "eux", c'était la crème de la crème.

Parce qu'il faut voir ce que c'est qu'un Service Spectacles et Culture dans un Grand Hebdomadaire...

Les conférences de rédaction étaient à la fois fabuleuses et traumatisantes...

Si, en rentrant tu te croyais cultivée, en sortant tu étais sûre que tu ne l'étais plus.

Pour exemple, le critique théâtre, René Bernard, qui voyait deux pièces par jour !

Et puis Pierre Schneider...

Le critique Art.

L'historien d'art.

Pour lequel j'avais un aimable penchant.

J'ai toujours beaucoup aimé la peinture.

Et en particulier Matisse.

Pierre, lui, avait écrit le livre référence sur Matisse.

LE Matisse...

Il était très ami avec Duthuit, le petit fils du peintre, qui, coïncidence, (je ne crois pas !), habitait l'appartement de maître du premier étage du 4, rue de Braque, Paris 3e.

Alors que j'habitais le troisième étage.

Et que je croisais Duthuit et son épouse américaine quasi chaque jour.

Un jour qu'elle s'ennuyait, elle m'avait même invitée à boire un petit verre de Chablis frais juste en-dessous des toiles du maître...

Pierre, lui, m'invitait souvent dans un luxueux restaurant italien près de la Place des Ternes.

Il était aussi diplômé de U.C.L.A. 

De Harvard et de U.C.L.A.

Et ça nous rapprochait.

Il avait écrit des papiers hilarants pour le New York Times...

Dont il avait été, un temps, le correspondant parisien.

Notamment un papier sur les concierges de Paris, papier que je rêve de retrouver.

Le New York Times...

Il avait très envie, Pierre, que j'y file faire un stage...

Sur sa recommandation.

Cette année-là, 1987/1988, fut à la fois belle et difficile.

La première année de mon deuil.

La peur d'une nouvelle rencontre...

L'amour fou.

Les mots de l'amour fou.

Ils m'ont fait un truc pas possible...

Pour mon anniversaire, le 18 août 1988, Yann de l'Ecotais a rameuté tous les journalistes présents.

Et ils ont organisé mon birthday dans le plus grand bureau de l'étage...

250 collaborateurs à la rédaction...

Ils ont mis le paquet...

Des fleurs partout.

Des glaïeuls qui trempaient dans des poubelles de fortune...

Du whisky...

Du champagne.

Des cadeaux.

Rigolos. Uniques.

Il faisait chaud.

Très chaud.

Et ils avaient soif.

Très soif.

Et puis...

Et puis Dufreigne, bien sûr...

Plus Dufreigne que jamais...

Mais, ça, c'est une autre histoire.

 

Liliane Langellier

 

Las Vegas. Summer 1987. 40th birthday.

Las Vegas. Summer 1987. 40th birthday.

Las Vegas. Summer 1987. 40th birthday.

Las Vegas. Summer 1987. 40th birthday.

François... Le premier étage...

François... Le premier étage...

Pierre...

Pierre...

François...

François...

Angelo...

Angelo...

Yann...

Yann...

Yves...

Yves...

Jean-Pierre...

Jean-Pierre...

Jean-Pierre...

Jean-Pierre...

Jean-Pierre...

Jean-Pierre...

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