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Chez Jeannette Fleurs

“Je m'intéresse à tout, je n'y peux rien.” Paul Valéry. Poussez la porte de la boutique : plus de 2.200 articles.

Premier Novembre...

Et le voilà qui revient...

Comme chaque année...

Et comme chaque année, c'est une torture pour moi.

Ma "délicieuse" belle-mère va encore saccager de ses fleurs de Foire du Trône la superbe tombe de mon Langellier.

Mes jambes vacillent à l'idée de monter au cimetière.

Je lui ai demandé mille et une fois de mettre des fleurs blanches. Même artificielles. Mais blanches.

Sotte que je suis, j'aurais dû lui demander de mettre des fleurs "Foire du Trône", car ainsi, avec son esprit de contradiction pathologique, elle aurait mis des fleurs blanches sur la tombe de son fils.

SA tombe est belle. Très belle. C'est un livre. En granit rosé. Un peu incliné vers le visiteur. Lui qui les aimait tant. Les livres...

Mais je ne sais pas pourquoi cette année cela me semble insurmontable d'aller encore jouer les huissiers pour constater les dégâts floraux.

Il faut dire que cette femme m'a fait beaucoup de mal.

Elle m'a fait tant de mal que je vais vous donner à lire ce que j'avais écrit, le 14 octobre 2011, sur mon blog Mediapart.

"LA HAINE ET LE CANIVEAU

Je l’ai appris. Comme ça. Hier. Dans le caniveau. Parce que l’un de mes voisins l’avait lu dans le journal du jour. Je portais deux sacs de supermarché. Et j’étais descendue du trottoir. Et j’étais dans le caniveau.

Je n’ai pas compris tout de suite. Mon beau-père était dans le journal ? Non, son faire-part de décès. Il venait donc de mourir. Oui, je porte toujours son nom. Puisque je ne suis pas remariée.

Dès le caniveau, je l’ai su tout de suite. Il fallait que je lise ce journal. Je le savais. Et je l’ai vu. Sur le zinc de mon petit troquet habituel. Le faire-part. Avec son cher nom suivi d’une petite croix et puis……. Rien. Le vide intégral. La néantisation totale.

J’ai juste eu le temps de me réfugier chez moi. Pour hurler ma douleur. Et pleurer mon néant. Mais qu’est-ce que j’ai bien pu leur faire ?

Dès le début de notre belle histoire, ce fut la haine. Jusqu’à la fin de notre belle histoire ce fut la haine.

Je comptais 21 ans tout neufs quand nous nous sommes aimés. Il n’en comptait que 19 et quelques mois. Et ce fut la première blessure. La lettre de son père à mon père me menaçant des gendarmes si nous partions en vacances ensemble. Motif : détournement de mineur. Inutile de préciser que le mineur était consentant !

Le grand cirque a duré un an et demi. Et puis voilà que le fils aîné a épousé sans passer par l’église. Alors pensez donc le deuxième ? Que vont dire les voisins ? Nous nous étions fiancés dans les toilettes de la Gare d’Austerlitz, avant de partir à un voyage de neige, et ma mère avait pleuré quand j'étais revenue avec ma jolie bague : « Tu n’auras pas de fleurs » C’était bien le cadet de mes soucis.

Ils m’ont donc « reçue » chez eux. Je ne leur plaisais pas. Je ne remplissais pas deux conditions premières : je n’étais pas fille de militaire. Je ne possédais pas de terres en Beauce. Pis, j’étais cultivée, j’avais suivi de longues études, je travaillais (horreur pour une femme) et j’avais déjà un bon job. Pour elle, ce fut la haine au premier regard.

La cérémonie de mariage a failli ne pas avoir lieu. Elle avait promis de lui acheter son costume de marié. Et au cours d’un dîner, alors qu’il lui rappelait, elle nous a balancé, vacharde : « Mais vous avez eu tant et tant de cadeaux sur votre liste de mariage, revendez-les, vous aurez de l’argent ». L’une de mes tantes était présente. Elle a bondi : « Chez nous, Madame, on ne revend jamais les cadeaux, c’est une offense ! »

L’un de ses oncles, gentil pas futé, me décocha un jour : « Ah, vous au moins vous êtes sympa. Elle avait tellement peur qu’il épouse cette fille de fleuriste…. » Je n’ai pas commenté.

A suivi l’histoire du contrat de mariage. Voulue par ma maman. « Si elle t’aime, elle ne doit pas demander cela ». A une semaine de la cérémonie, cela a bardé chaud. Mais, moi, je m’en cognais du contrat. C’était mon contrat avec lui qui m’intéressait.

Enfin ce fut le jour béni. Celui dont on se souvient toute sa vie. J’étais en grande robe blanche dans le jardin de notre maison de famille quand elle est arrivée. Pincée. « Je t’aurais bien offert des fleurs, mais tu vas en recevoir tellement ». Elle pouvait taper où elle voulait. Moi je savais que j’avais gagné : je l’épousais.

Nos douces quinze années furent émaillées de ses mots de haine. Nous voulions des enfants. Cela traînait un peu. « Ta mère t’a sans doute eu trop tard ? » Façon aimable de dire que j’étais stérile. Les examens prouvèrent que je ne l’étais pas. Ce fut un rude parcours du combattant. Si long que nous avions décidé d’adopter. Mais lorsque l’on me proposa la petite fille qui venait de naître juste deux mois après qu’il m’eût laissé seule sur terre, je ne pouvais pas me permettre de l’emmener dans cette galère. Double deuil. Double peine.

Pendant sa maladie, je ne fus pas épargnée. Elle souhaitait que je m’arrête de travailler. « Une épouse digne de ce nom……. » A sa mort, ce fut pire encore. Le lieu de sa tombe, celui de la cérémonie, tout fut contesté point par point. Tant et si bien que quelque proche finit par demander : « Mais qui est la veuve ici ? »

Le jour des obsèques, je ne fus pas non plus épargnée.

Les mois suivants non plus. J’avais juste demandé, pour garnir sa tombe, que l’on choisisse des fleurs blanches. Elle prit un malin plaisir à remplir vases et pots de fleurs multicolores, du goût de celles que l’on trouve dans les baraques à tir, lors des fêtes au village. Si bien qu’un paysan du coin me dit un jour : « Ben, ton mari, on peut point s'tromper, on peut dire qu’on le voit de loin ».

C’est drôle, c’est toujours un détail qui fait basculer. Là, alors que je me battais seule à Paris, je décidais : « Assez ». Assez de haine. Qu’elle prenne des leçons d’amour. Qu’elle suive un séminaire. Je jetais l’éponge. Je ne voulais plus la voir.

J’ai assumé seule la mort de mon père. Et c’est bien comme ça. Je ne sais plus ce qui a fait que j’ai cédé. Que je les ai revus de nouveau. Une bien grande faiblesse de ma part.

Je pourrais écrire des pages et des pages de tout ce qu’elle me fit vivre encore. Mais, il y a environ deux ans, j’ai dit « Assez » Cela fait quarante années de haine sur haine. Il faut arrêter. Je n’ai pas crié. Je ne l’ai pas injuriée (ce que mes deux belles-sœurs avaient déjà fait depuis longtemps et bien souvent). Je la saluerai quand je la croiserai. Mais assez !

Elle avait encore quelques munitions de réserve. Qui me furent tirées à bout portant à Lourdes, alors que je ne m’y trouvais pas. Lorsque l’un des pèlerins de son groupe vint demander à l’un de mes voisins « Savez-vous avec qui elle a refait sa vie ? » Car il fallait être bien indigne et occupée ailleurs pour ne plus visiter ainsi ses beaux-parents.

Les derniers temps, quand nous nous rencontrions, son plus grand plaisir était de me raconter entre deux portes, qu’elle avait eu « tous ses petits enfants pendant toute une journée ». Jamais je n’avais été reçue en même temps qu’eux. Moi, la fille unique, la sans famille, on ne me recevait que seule.

Alors oui, aujourd’hui elle a mal. Et je respecte. Ce que je respecte moins c’est qu’elle ait pu saisir cette dernière occasion pour une dernière blessure. Elle a réussi. J’ai tant pleuré sur ce journal que j’ai cru mourir.

Logique, sur ce faire-part, j’étais juste absente à côté de lui.

Balayée par la haine, j'étais tombée dans le caniveau !"

Non, ne croyez pas ça, je ne l'ai pas fait innocemment de coller ce texte sur mon blog Mediapart.

Oui, j'avais mal.

Non, je ne suis pas une sotte.

Oui, je me suis débrouillée pour qu'ils sachent "ces gens-là", comme le chante si bien Brel, que mon texte était publié et surtout où il était publié.

Mais, moi, contrairement à eux, je peux connaître la rage, les larmes, le courroux, le chagrin, la joie folle. Mais je ne connais pas la haine.

Parce que la haine, je leur laisse toute entière !

Liliane Langellier

Ceci est un caniveau...

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Toussaint 2014. Dans la chaleur de mon coeur.

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Toussaint 2014. Ce que personne ne pourra me voler...

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A
avec plaiisir et tristesse j'ai relu votre texte...Vous êtes la plus forte .La haine détruit.
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K
Votre texte est émouvant,la haine n'apporte rien,l'essentiel l'Amour de deux êtres .
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L
Je viens de mettre ce texte spécialement pour une femme que je trouve formidable.<br /> Et avec qui j'ai échangé au téléphone il y a à peine une heure..
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