25 Mars 2020
Le 14 juin 1940...
Aux premières heures...
Les troupes de la Wehrmacht défilent sur les Champs-Elysées.
La rapidité de la victoire allemande a été un véritable choc.
Les familles ne sont pas encore rentrées de l'Exode.
Deux millions de Français ont été jetés sur les routes dans un chaos hétéroclite.
Le 16 juin, Paul Reynaud, président du Conseil, démissionne et passe le pouvoir au maréchal Pétain, le héros de Verdun.
Pétain avait alors 84 ans.
A 12 h 30, le 17 juin, Pétain annonce à la radio qu'il avait accepté de prendre la tête du gouvernement et qu'il avait demandé un armistice avec l'Allemagne.
Les Français devaient cesser le combat et coopérer avec les autorités allemandes.
Au cours de la rapide avancée allemande, 100.000 soldats français avaient été tués au combat, 200.000 blessés et 1,8 million étaient en chemin vers les camps de prisonniers de guerre en Autriche et en Allemagne.
Le 18 juin, les Français furent peu nombreux à entendre le célèbre appel aux armes du général de Gaulle.
Il s'adressa de nouveau à eux les 19, 22, 24, 26 et 28 juin.
"Quoiqu'il arrive, la flamme de la Résistance française ne doit pas s'éteindre et s'éteindra pas."
La BBC avait accepté de donner aux Français libres un créneau tous les soirs, dont cinq minutes dans leur langue.
Le soir, derrière leurs volets, ceux qui possédaient une radio se réunissaient pour écouter les premières notes de la Cinquième Symphonie de Beethoven - choisie parce qu'elle représentait en morse le V de la Victoire - annoncer des mots qui devinrent rapidement célèbres : "Ici, Londres. Les Français parlent aux Français".
Le 25 juin, un Presse-Gruppe avait été mis en place pour organiser deux fois par semaine des briefings pour des journaux qui, comme Le Matin et Paris-Soir avaient été autorisés à reparaître.
Les premiers actes de résistance furent bien modestes : la croix de Lorraine des Français libres et des V de victoire étaient griffonnés au crayon, au rouge à lèvre ou à la peinture sur les murs, sur les voitures allemandes, dans le métro et aux arrêts de bus.
Des jeunes filles écrivaient "Vive les Anglais" sur les murs de leur lycée.
C'est en lisant le livre de Caroline Moorehead "Un train en hiver" en page 43 :
"Au début du mois d'octobre, Raymond Deiss, imprimeur et éditeur de musique , rédigea deux doubles feuilles reprenant les communiqués quotidiens de la BBC, et les imprima sur linotype."
Que je me suis souvenue de cette petite feuille de résistance.
Liliane Langellier
Après l'armistice du 22 juin 1940 et l'occupation d'une partie du territoire national par les troupes allemandes, le gouvernement français, replié à Vichy, s'installe dans une politique de collaboration largement répercutée par la presse et les médias. Les paroles et les écrits sont contrôlés, censurés, tant en zone nord par les Allemands qu'en zone sud par le gouvernement du maréchal Pétain.
En zone nord, la presse est directement sous tutelle de la Propaganda-Abteilung (direction de la propagande), contrôlée par Goebbels (ministre allemand de la propagande), à laquelle se trouve rapidement subordonnée l'Agence française d'information de presse.
En zone sud, elle est soumise à la pression toujours plus forte du secrétariat général à l'Information et tire essentiellement ses informations de l'Office français d'Information.
Censurée, limitée à la source dans le choix de ses informations, uniformisée, la presse doit se plier aux diverses recommandations et injonctions des institutions de contrôle.
En marge de cette presse autorisée, une presse clandestine apparaît et se met progressivement en place. Contrepoids de choc au langage officiel, son action ne va cesser de s'amplifier.
Des hommes et des femmes vont ainsi continuer la lutte en utilisant la seule voie qui leur reste : l'écriture. Pour ces combattants du verbe, il s’agit alors d’informer, de réveiller l’opinion publique en lui apportant des éléments de réflexion et d’autres lectures que celles de la propagande allemande et du gouvernement de Vichy.
Les premiers papiers, les premiers tracts circulent dès l'été 1940, en zone occupée comme en zone libre. La "guerre des mots" s'engage.
Souvent le fait d'initiatives individuelles, ces premières feuilles donneront naissance à un certain nombre de mouvements de résistance, en zone occupée comme en zone sud, qui se constitueront autour de la réalisation d’un journal.
La recherche du papier, de l’encre, l’utilisation d’une imprimerie, la rédaction et la diffusion de ces feuilles clandestines ne peuvent en effet être l’œuvre d’un seul homme, mais d’une équipe de plus en plus nombreuse et diversifiée.
Au début, les textes sont écrits à la main ou dactylographiés. Ils se terminent alors souvent par la mention "à copier et à faire circuler". Des chaînes se forment pour recopier ces premières feuilles ou les discours de la radio de Londres. Des exemplaires sont également ronéotypés ou réalisés à l’aide d’une imprimerie jouet pour les enfants.
Dès octobre 1940, en zone nord, Raymond Deiss, imprimeur et éditeur de musique parisien, rédige et tire sur sa presse Pantagruel, feuille d'informations, l'un des premiers journaux clandestins français imprimé.
Seize numéros verront le jour avant que Deiss soit arrêté en octobre 1941 ; il sera décapité, le 24 août 1943, à Cologne.
Son fondateur et unique rédacteur, Raymond Deiss, considère Pantagruel comme une "feuille d'information et non de lutte vaine contre l'autorité occupante. Son but est la diffusion des nouvelles, venues d'Angleterre par radio, dont trop de gens sont privés et en souffrent."
Il précise également en page 2 que "le but de Pantagruel n'est ni la haine, ni la révolte contre les Allemands mais le maintien de notre droit millénaire de penser par nous-mêmes".
Le journal affirme dès le n° 1 son soutien au général de Gaulle : "Ralliez-vous moralement au Général de Gaulle, qui seul maintient à la face du monde les traditions françaises d’héroïsme et de respect de la parole donnée. Soutenu par le peuple anglais dont le flegme et les résolutions sont légendaires, il vaincra !! " (page 4).
Apparu en octobre 1940 à Paris, Pantagruel appartient à ces premiers journaux clandestins diffusés aux tout débuts de l'Occupation dans la zone nord, et qui ont pour la plupart disparu entre 1941 et 1942 (Arc, Résistance, Valmy). Le journal, dont 16 numéros paraissent irrégulièrement jusqu'en octobre 1941, est fondé par un éditeur de musique patriote, engagé de la Grande Guerre et attaché à ses origines alsaciennes, Raymond Deiss. Il rédige l'intégralité des numéros. Les textes sont linotypés par René et Robert Blanc (imprimeurs 20 rue Dauphine), puis imprimés sur quatre pages sur les presses de la maison d'édition musicale de Raymond Deiss. Le tirage atteint 10 000 exemplaires en 1941.
DEISS Raymond [DEISS Raymond, Gustave, Léon]
Né le 20 juin 1893 à Paris (Xe arr.), mort le 25 août 1943 à Cologne (Allemagne) ; éditeur de musique ; maître imprimeur ; résistant.